Troisième dimanche de Carême
« Voyage Laudato Si’ — Évangile du dimanche »
Dimanche 3 mars
3e DIMANCHE DE CARÊME — ANNÉE B
Jn 2,13 – 25
Nous sommes au troisième dimanche du voyage de Carême vers la Pâque du Seigneur, montant avec Jésus vers Jérusalem. Nous sommes au début de l’évangile de Jean, juste avant le premier miracle de Jésus, à Cana, où le centre de l’attention était quelque chose d’apparemment superflu, un festin. Après le banquet, Jésus retourne d’abord à Capharnaüm avec sa famille, puis visite le Temple, sa maison.
On s’attendrait donc à une entrée solennelle et triomphale. Au contraire, chez lui, Dieu nous surprend : alors qu’au banquet avec les hommes, il fait preuve d’amitié et de miséricorde, dans le Temple, il se montre résolument sévère. Il semble presque s’adresser à chacun d’entre nous, dans la relation entre le Temple construit de main d’homme, le Temple de la Création de Dieu, et les temples que nous construisons avec nos projections mentales, souvent habités par un dieu à notre image et à notre ressemblance.
« La Pâque juive était proche. » Pour Jean, les Juifs, Ἰουδαίων, ne désignent pas le peuple d’Israël en général, mais les chefs du peuple, ceux qui s’opposaient encore à la reconnaissance du Messie dans l’Église primitive, composée précisément de Juifs. À cette occasion, des milliers de personnes montaient au Temple, certaines années plus de cent mille, avec d’énormes chargements d’agneaux à sacrifier, le tribut était payé au Temple avec des pièces de monnaie « pures » qui étaient utilisées à la place des pièces de l’empire, qui portaient des effigies païennes. Les changeurs de monnaie faisaient donc de bonnes affaires ces jours-là.
Le Temple est un lieu attractif non seulement parce qu’il s’agit d’une banque centrale où l’on fait des affaires, mais surtout en raison de la signification qu’il a dans la ville, le lieu saint, séparé, le point de connexion avec le divin, le fanum, le lieu pur. Ce qui se trouve devant le fanum, le pro fanum, est quelque chose d’impur, voire de « profane », et entoure le bâtiment sacré avec le reste de la ville. Aujourd’hui encore, dans nos villes, l’église ou la cathédrale représentent des lieux centraux dans l’urbanisme, elles sont les lieux des fêtes, des rassemblements, des solennités les plus importantes. Mais, dans nos villes, le centre risque d’être autre chose, des centres commerciaux aux installations sportives, sur la base des valeurs qui animent véritablement nos sociétés.
L’identification du Temple est donc fondamentale. « Il fit un fouet avec des cordes », à cet élément physique et très visible de la ville, avec son fourmillement d’affaires et d’argent, Jésus oppose un élément très visible, un φραγέλλιον, littéralement « fléau », avec lequel il chasse les brebis et les bœufs, mais pas les colombes. Il ne s’agit pas d’un choix aléatoire, car les colombes appartenaient aux pauvres et représentaient en quelque sorte le peuple juif. Au contraire, les brebis et les bœufs étaient étroitement liés au pouvoir, aux chefs du peuple auxquels Jésus rappelle : « Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce », soulignant que le Père est « mon Père », qu’il est le fils unique et que le Temple est un lieu de partage et non de suprématie.
« L’amour de ta maison m’a perdu ; on t’insulte, et l’insulte retombe sur moi. » (Ps 69,10) Ce sont les versets du psaume qui viennent à l’esprit des disciples, après la Résurrection, lorsqu’ils se souviennent de ce geste étrange de Jésus. Combien de fois ce que le Seigneur fait dans nos vies n’est pas du tout clair, mais, quand nous le voulons, si nous relions les points et si nous avons la grâce de nous souvenir, tout devient plus clair ! Les paroles de Jésus aux personnes présentes étaient certainement très explicites, mais certainement énigmatiques pour ceux qui les ont entendues pour la première fois : « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. »
Les Juifs ou plutôt les chefs du peuple demandent quelle est l’autorité de Jésus pour faire cela. Ils sont l’autorité dans le Temple, ils font tout selon les règles et ils dictent les règles. Ils demandent donc à Jésus un signe, quelque chose qui justifie son autorité. Voici l’autorité de Jésus : Λύσατε τὸν ναὸν τοῦτον, “dissolvez ce sanctuaire”. Dissoudre est un terme ambigu, il peut signifier « détruire », mais aussi « libérer ». Et il ne s’agit plus du Temple, mais du sanctuaire, le cœur du Temple, le lieu inaccessible. En fait, les chefs du peuple sont déjà en train de détruire le fanum, de le réduire à une place de marché. Jésus annonce qu’il donnera un autre mot à ce destin de mort.
« Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèverais ! » La question des chefs du peuple semble moqueuse et comment les blâmer ? Le Temple d’Hérode dont ils parlaient, commencé des décennies plus tôt sur les ruines du Temple de Salomon et dont les travaux d’embellissement étaient encore en cours, était à l’évidence l’une de ces œuvres sans fin, comme il y en a tant qui ont été construites par l’homme au cours des siècles. Mais Jésus ne parlait pas d’un temple de pierres, mais ce précieux sanctuaire est son corps, Dieu est dans le corps, dans le corps mystique, Dieu vit dans les pauvres, dans les marginaux, dans sa Création merveilleuse et souffrante, dans ces lieux où l’on peut respirer son souffle primordial et sa justice.
La recherche de ce temple, y compris dans notre vie quotidienne, nous aide à comprendre notre échelle de valeurs. Où cherchons-nous le temple de Dieu ? Nous sommes trop habitués à jeter, à nous passer des pauvres, à ignorer notre maison commune que nous détruisons et nous oublions que Jésus lui-même est une pierre rejetée, devenant la pierre d’angle de ce sanctuaire si précieux. Lorsque nous redécouvrons le sens profond des relations, la capacité de don pour l’autre — Jésus renverse les comptoirs avec des pièces de monnaie, cela peut être un avertissement contre notre économie qui détruit — la capacité de pardon, en ces occasions, nous « adorons Dieu », nous le portons à notre bouche, nous l’embrassons, nous le mangeons, nous nous nourrissons de lui.
Le regard de Jean revient aux disciples, qui « se rappelèrent qu’il avait dit cela », dans le style classique de l’évangéliste qui se tourne et revient ensuite aux personnages en intercalant le récit, style qui lui a valu l’image symbolique de l’aigle, qui fait des cercles concentriques continus pour atteindre sa proie. Le passage d’aujourd’hui se termine sur le thème de la foi, en réponse aux actions de Jésus. D’un côté, les disciples, qui « crurent à l’Écriture et à la parole que Jésus avait dite », l’Écriture et la parole étant deux éléments complémentaires. De l’autre côté, les Juifs, qui « crurent en son nom, à la vue des signes qu’il accomplissait ». Mais Jésus n’exulte pas, ces succès ne l’intéressent pas, il ne se fait pas d’illusions, il connaît le cœur de l’homme. Suivre Jésus, sérieusement, n’est pas une plaisanterie et la question de la foi doit être abordée dans l’obscurité de notre existence. L’Évangile de dimanche prochain abordera ce thème.
Adorer ce sanctuaire très précieux, le corps du Christ, dans la splendeur de la Création, c’est ce à quoi nous invite sainte Claire d’Assise : « Place ton esprit devant le miroir de l’éternité, laisse ton âme baigner dans la splendeur de la Gloire, unis-toi de cœur à Celui qui est l’incarnation de l’essence divine, et, grâce à cette contemplation, transforme-toi tout entière à l’image de sa divinité. » (FF 2888)
Nous vous souhaitons un bon dimanche, sur le chemin de la Pâque du Seigneur, accompagné par sa Parole !
Laudato Si’ !